Zostères contre zostères

L’étang de Berre était jadis dominé par les zostères marines, avec des zostères naines tout autour. Pendant les « années noires » (1970-2005) il a perdu toutes ses zostères marines et (presque) toutes ses zostères naines. Il est actuellement colonisé très rapidement par les zostères naines, au point qu’on peut se demander s’il sera possible aux zostères marines de se réinstaller. Notre projet ZoRRO cherche à réintroduire ces dernières, mais sur trois sites au moins, les zostères naines ont éjecté nos plants de zostères marines.

En effet, si un petit plant de zostères marines se retrouve cerné par un herbier de zostères naines, il a peu de chance de survivre selon notre expérience. Quelques observations nous font penser qu’il est physiquement éjecté par les zostères naines et on retrouve un temps des morceaux de zostères marines « flottant » au-dessus des zostères naines, plus ou moins retenus par leurs feuilles ou leurs épiphytes emmêlées.

Ce phénomène a été observé il y a quelques jours à Beaurivage. Il avait été observé l’an dernier à Figuerolles et c’est vraisemblablement ce qui est arrivé aux boutures de zostères marines de ZoRRO1 du Ranquet, dont un début de croissance avait été observé au printemps et en début d’été 2022, mais qui ont disparu depuis.

La fin programmée des boutures de Beaurivage

Un petit herbier de zostères naines existe à Beaurivage depuis peut-être dix ans. On le voit sur cette image extraite de Google Earth et datée de 2020 (voir cet article précédent).

Lors de la campagne ZoRRO1 (juin 2021) nous avions planté quelques boutures dans cet herbier et quelques unes étaient visibles au printemps 2022 et encore une ce printemps 2023 (photo ci-dessous, datée du 2 mai).

Ces quelques zostères marines perdues dans les zostères naines sont en train de se faire éjecter « manu militari » et hier j’ai pu voir la situation suivante : un bout de rhizome et ses feuilles « flottant » au dessus des zostères naines (et des cladophores qui sont très fréquentes cette année)

J’ai retiré les morceaux de rhizome « flottants » et leurs feuilles (je les ai replantés sur une côte rocheuse au sud du Ranquet, où j’espère qu’ils réussiront mieux) et j’ai pu constater qu’il restait un peu de zostère marine accroché au fond car une (!) feuille dépassait encore de la masse de zostère naines et de cladophores (voir photo ci-dessous). Mais je prédis à ce reliquat une éjection à plus ou moyen terme.

La mort effective des zostères de Figuerolles

À Figuerolles en 2022, j’ai observé le même phénomène d' »éjection » de petites taches de zostères marines par les zostères naines environnantes. C’était sur les 2 taches de 2019 près de la zone de baignade, celles à la fois les plus éloignées du bord et les plus petites. C’était en mai et juin 2022, comme le prouvent les dates sur les photos ci-dessous. Ces taches avaient pourtant déjà 3 ans mais il semble qu’elles n’avaient pas atteint la « taille critique » pour se défendre…

J’avais essayé de replanter ces « boutures éjectées » un peu plus loin, mais les mois d’été 2022 et leurs importantes marées d’algues rouges (voir photos ci-dessous, des algues de type Callithamniaceae, à ma connaissance), avec la fermentation associée, leur ont fait beaucoup de mal. Ces marées rouges avaient aussi affecté les zostères naines locales, qui ont eu peut-être 30% de pertes, mais ce qui est sûr, c’est que l’herbier de Figuerolles est désormais redevenu 100% zostères naines.

Pour mémoire, les taches qui ont été éjectées ressemblaient en fin mars 2022 à la photo ci-dessous :

La mort (ou la migration ?) des taches du Ranquet

Dans l’herbier de l’anse nord du Ranquet, nous avons régulièrement essayé de planter des zostères marines, mais celles-ci ont tout aussi régulièrement disparu.

On en voyait dans les deux films ci-dessous, tous deux déjà publiés (sur Youtube et ici et dans ce blog). Dans le premier qui date de 2020 on voit une petite zostère marine à 8’41 » et dans le second qui date de 2022, deux plants à 0’46 » et 1’25 ».

Ces plants ont disparu et on ne retrouve localement que des zostères naines (et la tache de cymodocées qui après s’être bien étendue semble juste se maintenir, contenue par les zostères naines) et j’imagine qu’elles ont été éjectées. Peut-être une des boutures a-t-elle réussi à reprendre racine 50 m au nord pour donner naissance à une tache qui se porte plutôt bien (voir 2 photos ci-dessous) mais les autres ont dû mourir échouées sur la plage.

Conclusion

Les « cousines » ne semblent pas s’entendre si bien qu’on peut l’imaginer en lisant la littérature, où on parle facilement d' »herbiers mixtes ». Je vois désormais ceux-ci davantage comme des lignes de front que comme des lieux de symbiose ou de cohabitation pacifique.

Pour cette raison, comme nous l’avons écrit dans notre « rapport printanier 2023 » qui a marqué la fin de la campagne ZoRRO2, nous planterons désormais nos boutures de zostères marines assez loin des taches de zostères naines.

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