Pour un plan de gestion du Rapane dans l’étang

Le rapane veiné a envahi l’étang de Berre. Le présent blog a suivi cette invasion depuis 2020. Il est pourtant étrangement absent des rapports annuels du GIPREB. Or, pour ceux qui, comme moi, souhaitent un retour de l’huître plate dans l’étang, la présence massive du rapane est un problème potentiel.

L’exemple de la mer Noire, où l’invasion par le rapane est ancienne, où il est depuis longtemps pêché et où même une industrie de transformation s’est développée, peut nous inspirer pour monter un plan de gestion.

Sur ce point comme sur celui de la restauration écologique, l’étang a tout pour devenir un laboratoire.

L’invasion de l’étang par le rapane.

Pour l’écologie du rapane veiné, je vous renvoie à la fiche de la base DORIS, que j’ai écrite. Pour les principales étapes de cette invasion, je vous renvoie à cette catégorie de mon blog.

Pour les photos de rapanes prises dans l’étang, je vous renvoie à la page FB de Frédéric André, qui plonge régulièrement dans l’étang et y photographie souvent des rapanes.

photo de Frédéric André

Vous ne trouverez en revanche rien à propos du rapane sur le site du GIPREB (ou signalez-le moi !), notamment dans leur rapport sur l’année 2022. Comme pour les zostères naines avant 2016, ils ont clairement sur ce point un angle mort dans leur(s) protocole(s) de suivi de l’étang…

Pourtant, j’imagine que la production annuelle de rapanes dans l’étang atteint déjà plusieurs dizaines de tonnes.

La pêche au rapane et le développement de l’aquaculture en Mer Noire

Sur la situation en mer Noire, l’essentiel de mes informations récentes vient de cet article d’Euronews, qui date pourtant de 2021. Mais je me souviens avoir lu ailleurs que des pêcheurs ou des restaurateurs locaux avaient, avec beaucoup de malice, laissé supposer que le rapane veiné était aphrodisiaque, ce qui avait dopé sa consommation locale. Cette réputation vient peut-être de l’Extrême-Orient (Chine, Corée…) d’où il est originaire, et vers lequel l’exportation semble être rentable.

En 2021 on ne pouvait pas parler de plan de gestion du rapane en mer Noire, mais au moins une étude scientifique, incluant tous les pays riverains (de l’Union Européenne ou non) était en cours. C’est dit dans les 2 courtes vidéos ci-dessous (très politiques !, et tirées du même article d’Euronews) où la gestion du turbot est aussi présentée comme une réussite et le développement de l’aquaculture (de coquillage) comme une voie pleine de promesses.

Le flou de la pêche au rapane sur l’étang

L’étang de Berre a souvent été comparé à la mer Noire, en termes de biotope et de biocénose d’abord, et cette comparaison s’est parfois étendue à la pollution (autrefois) massive des eaux.

Manifestement la situation sanitaire s’est bien améliorée en mer Noire et notamment en Roumanie où la qualité des eaux et leur contrôle ont été jugés suffisants en 2020 pour y développer des projets d’aquaculture de coquillage (tout au moins la mytiliculture à ce que j’ai compris).

Sur l’étang de Berre du point de vue des coquillages, pour l’instant, on pêche la palourde et les mytiliculteurs de Port-Saint-Louis-du-Rhône y récoltent les naissains de moules qu’ils feront grandir dans leur table de l’anse de Carteau et vendent sous l’appellation moules de Camargue et… c’est tout. Dans l’histoire Il n’y a jamais eu de conchyliculture dans l’étang mais pendant quelques années autour de l’année 1950 on sait que des bancs d’huître plates ont été exploités (jusqu’à quand ? Je ne sais pas).

image tirée de https://www.pecheapied-loisir.fr/reglementation/bouches-du-rhone/

Mais rien, dans les rapports scientifiques ou la législation, ne mentionne le rapane. C’est le grand vide. Autour de l’étang, des gens commencent à en manger, et à ma connaissance, personne n’a encore fini à l’hôpital. Un peu comme les moules.

On nous questionne parfois sur le risque sanitaire à manger un rapane, qui est un nécrophage des bivalves (qu’il peut aussi manger vivants). D’un point de vue bactériologique, la qualité du plancton est bonne depuis de nombreuses années, et les plages sont très bien suivies et classées d’un point de vue bactériologique. Les stations d’épuration fonctionnent a priori correctement et, en évitant les jours qui suivent les orages et en laissant à l’étang le temps de digérer les ruissellement douteux de ses rives, il y a peu de risques.

Du point de vue des métaux lourds et des lourdes molécules issues de la pétrochimie (PCB, dioxines et autres…), dont on sait que les sédiments profonds de l’étang sont contaminés en face des sites industriels, anciens ou encore en activité, les rapanes n’en sont sans doute pas plus chargés que les anguilles. Celles-ci se nourrissent dans les sédiments, et leur pêche dans l’étang n’a jamais été interdite, bien que je suppose qu’elles soient suivies. Si une étude sanitaire était faite, je serais surpris que les taux de contamination des rapanes soient élevés. Mieux vaut sans doute éviter de les ramasser en face des raffineries (qui le ferait ?) mais sinon, peu de risque à mon avis si on n’en mange que rarement…

Bref si un restaurateur plongeur-amateur riverain de l’étang proposait des rapanes à ses clients, serait-ce répréhensible ? A priori non, si on part du principe que ce qui n’est pas interdit est autorisé… Je peux me tromper sur ce point (les commentaires sont ouverts).

Pour limiter l’explosion des rapanes, leur consommation serait souhaitable. C’était un peu le sens du stand de 8 vies pour la Planète lors des Anguillades 2023.

J’ai néanmoins peur que, dans la société sécuritaire et hypocondriaque qui est la nôtre, sans une autorisation officielle, le mouvement de consommer le rapane reste marginal.

Or, sans pêche, les rapanes risquent de pulluler de plus en plus. C’est peut-être un problème pour la biodiversité de l’étang. En tout cas, la question se pose vis à vis d’un éventuel retour des huîtres plates dans l’étang…

Conclusion

Le rapane se développe vite dans l’étang. Son développement semble exponentiel, sans limite encore, et on peut imaginer que, dans quelques années, il y pullule au point de modifier l’écosystème, comme en mer Noire dans les années 1940.

Une régulation par la pêche, comme en mer Noire, semblerait une bonne idée, mais la France des années 2020 est un pays beaucoup plus contrôlé que la mer Noire des années 1940. Les individus peuvent faire beaucoup, si la mode de manger des rapanes pêchés en pêche de loisir se répand, par exemple. Mais dans notre société, difficile d’imaginer un mouvement d’ampleur sans un suivi sanitaire minimal.

On pourrait aussi le pêcher pour l’exportation, ce qui rappellerait, tout proportion gardée, l’or vert des années 1970, quand l’anguille, guère consommée sur place, était massivement pêchée et exportée vers les Pays-Bas et l’Italie.

Une étude scientifique, et un plan de gestion de cette ressource économique associé à un suivi sanitaire, paraissent respectivement souhaitable et crédible. D’ici là (et l’administration française peut parfois prendre son temps), les plus impliqués amoureux de l’étang mangeront des rapanes…

3 commentaires

  1. Bonjour Pascal, je voudrais relayer l’info sur la prolifération ou invasion des rapanes dans l’étang. Le plus facile est de faire un lien. Ou de partager tes textes. Mais l’algorithme de mon média faceboook fait que si je fais ça, je suis pénalisé et presque pas lu. Le truc, c’est d’écrire un texte original, et de publier des photos originales. J’ai une photo de rapane, déjà publiée, mais je peux la détourer et la bricoler pour la faire passer pour nouvelle, j’avais aussi ramené une coquille ou carapace… Tu as peut-être une ou deux photos non encore publiées. Pour les textes, j’en pondrais un à partir des tiens, et sans faire de liens, je pourrais parler de toi, de tes actions et faire en sorte qu’on te trouve rapidement sur Internet. Est-ce que cela te gêne ou te convient ? Amitiés, Sylvain Sylvain Ronca – nom commercial LAKKO Tél. : 06 14 89 18 61 lakkoste@gmail.com Lakko. 172 boulevard Baille. 13005 Marseille. Siren 408 028 447

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