Les herbiers marins selon ARTE

ARTE a récemment diffusé un long documentaire sur les herbiers marins. Vu l’importance des herbiers de zostères pour l’étang (et dans ce blog), ça méritait un article.

On notera tout d’abord que le documentaire est allemand à la base, et qu’il a été mal traduit car la version française y appelle zostères toutes les herbes marines. Surtout dans la première moitié, la voix off parle ainsi de zostères alors qu’on voit à l’image des posidonies, des cymodocées ou de l’herbe à tortue (Thalassia testudinum)… Les germanophones pourront aller voir la VO qui ne fait pas cette erreur agaçante (elle utilise le terme générique Seegras).

L’erreur du traducteur s’explique (un peu) du fait que la seconde moitié du documentaire parle des zostères marines de la Baltique, mais c’est une bien grosse erreur quand même…

Qu’apprend-on dans ce documentaire ?

Dans la première partie, qui essaie de parler de toutes les herbes marines en tentant de généraliser, on apprend

  • 1 – que les herbiers commencent à peine à intéresser les scientifiques au moment où leur surface diminue de 7% par an dans le monde (nota : ce chiffre me paraît énorme, et je me demande comment il a été calculé…)
  • 2 – que ces herbes se sont adaptées au sel, parfois plusieurs fois dans l’histoire géologique, ce qui constitue en soi une performance encore pleine de secrets. Et que certaines (ce point semble surtout concerner les posidonies) sont adaptées à des eaux tellement pauvres en azote que leur développement n’est possible que par une symbiose avec des bactéries capables d’utiliser l’azote de l’air (comme pour les légumineuses)
  • 3 – que ces herbes produisent souvent trop de glucose, qui finit par être dangereux pour leurs cellules et qu’elles expulsent et stockent dans le sédiment au milieu de leurs racines, sous une forme chimique qui la rend inaccessible. Ce type d’herbier est alors un puits de carbone… s’il est en bonne santé ! Dans le cas contraire, il meurt et relargue tout le carbone capté…
  • 4 – que le bruit qu’on peut entendre dans un herbier, et qui est lié à la faune associée, est un bon indicateur de la santé de l’herbier

La seconde partie du documentaire, centrée sur les zostères marines de la Baltique, est plus spécifique et détaillée, ce qui nous convient très bien puisque la Baltique (dont j’ai déjà parlé dans cet ancien article) et l’étang de Berre partagent cette plante. On y apprend

  • 5 – que les herbiers de zostères participent largement à l’épuration de l’eau. ils rendent un service systémique, mais la Baltique voit arriver trop de rejets (notamment agricoles) et les herbiers souffrent
  • 6 – que les herbiers, même quand ils s’étendent par le rhizome, peuvent muter et donc éventuellement s’adapter (nota, ce point trouvé par le chercheur Thorsten Reusch a déjà fait l’objet d’un article du présent blog)
  • 7 – que ce chercheur est très inquiet du rapide réchauffement de la Baltique et qu’il se demande si importer des herbes méditerranéennes ne serait pas un bonne idée…
  • 8 – que les zostères marines séchées sont un excellent matériau d’isolation des toitures, à la durée de vie pouvant atteindre le siècle (!), que nous sommes en train de redécouvrir.
  • 9 – qu’on peut aussi les utiliser comme base de matelas ou d’oreillers, pour peu qu’on les débarrasse bien des algues et autres impuretés. Ce matériau antiallergique est également peu à peu redécouvert et réutilisé (nota les rives de l’étang de Berre partageaient cet usage)
  • 10 – qu’on peut atteindre 50% de taux de germination des graines de zostères marines, pour peu qu’on s’y prenne bien (graines conservées dans l’eau salée à 4°C et hors de la lumière)
  • 11 – que le laboratoire Geomar de Kiel (et de nouveau le chercheur Thorsten Reusch) a démarré une expérience d’ingénierie participative pour recréer des herbiers de zostères dans des sites de la Baltique d’où ils ont disparu (60% des herbiers auraient disparu en un siècle), mais que l’argent manque…
Impression d’écran au moment du point 11. Les bénévoles reviennent d’avoir arraché des boutures à un herbier sain
Impression d’écran au moment du point 11. Le résultat au bout d’un an sur le site de replantation. Les plantations avaient été faites en damier.

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